"Les livres ne remplacent pas la vie, ils l'élargissent.
"Françoise Gasparri

samedi 7 juin 2008

Quand l’humain côtoie l’inhumain


Que l’un des plus grands écrivains francophones vivants soit belge, cela n’a en soit rien d’exceptionnel, mais que celui-ci choisisse le Jura et plus particulièrement Arbois pour y vivre et y écrire, la chose est suffisamment rare pour être signalée. Cet écrivain n’est autre que Jean-Claude Pirotte. Son dernier ouvrage : Absent de Bagdad, m’a tout simplement bouleversé.

Dans un pays jamais cité, mais que l’on reconnaît comme étant l’Irak ; dans une prison, jamais identifiée, mais qui rappelle celle que W Buch appelle la « plus grosse erreur » des américains : Abou Ghraib, un homme est enfermé. De cet homme, on ignore tout. Lui-même ne sait plus qui il est. Il ignore de quel crime il est accusé. Ce n’est qu’un homme seul qui se souvient. Sa disparition ne causera de souci à personne. Ces geôliers qui ont accepté de pratiquer la torture au nom de la démocratie ne cessent de le rabaisser au rang d’animal. Pour ne pas totalement sombrer dans la folie, l’homme se raccroche à des souvenirs, à des lectures. « Mon vieux maître m’adonné tant de livres à lire, et je croyais les avoir oubliés, mais c’est ici, dans ce trou, que les phrases que je n’avais pas comprises surgissent de ma mémoire comme d’anciennes prières. »

Dès la première page le ton du roman est donné « au début j’avais réussi à écrire quelques mots dans ma langue, ou plutôt de les graver du bout de l’ongle sur un carton minuscule que j’avais trouvé dans le noir en tâtonnant, ils ont dit que j’avais écrit le nom d’Allah et que c’était de l’arabe, mais ils se trompaient… c’était le prénom de ma fiancée turque, et d’autres mots griffonnés que j’ai oubliés après qu’ils m’eurent enchaîné les mains et les pieds, la main gauche au pied droit, la main droite au pied gauche, et qu’ils m’eurent entouré le cou d’une laisse cloutée au moyen de laquelle ils me traînaient dans une galerie souterraine semée de tessons de bouteilles. ».

Ce roman, sans majuscule, ni point est un monologue intérieur, intense, un pamphlet sur la grande machine de l’Histoire qui broie des vies et séparent des destins. Ce roman particulièrement fort grâce à la vraisemblance des détails sur l’enfermement, les mauvais traitements et l’attitude des geôliers, est un texte superbe, poétique et politique dans lequel Pirotte renvoie dos à dos l’islam intégriste et la démocratie façon américaine.

Jean-Claude Pirotte est né a Namur en 1939. Ce « peintre du dimanche et cet écrivain du samedi, comme il aime se définir est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages, couronnés par des prix littéraires d’importances u prix Marcel Aymé au prix Vialatte en passant par le prix des Deux Magots. Ce poète a signé aux éditions Virgile un très beau recueil de poèmes sur la cerise de Fougerolles.
Absent de Bagdad par Jean Claude Pirotte. La Table Ronde, 140 p. – 14 euros

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